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Chapitres


Merci à Philippe Tassel
Christine Lemoine
Août 2013

 

Recherche et pratique

Un colloque à ne pas rater...

En novembre 2012, le Collège de France organisait un colloque d'une incroyable richesse : "Sciences cognitives et éducation". J'ai enfin trouvé le temps de l'écouter : vive internet !
(Merci au Collège de France de partager ses trésors.)

En ce qui concerne les maternelles, "Les débuts de l'apprentissage de la lecture" par Liliane Sprenger-Charolles et "Le goût des nombres" par Manuela Piazza nous intéressent directement.

Mais deux communications ont particulièrement attiré mon attention : celles de Stanislas Dehaene et Joëlle Proust. Des interventions passionnantes qui ont fait écho à certaines de mes obsessions pédagogiques ;-)


J'ai cherché à mettre en lien les données présentées par ces chercheurs -ou ce que j'en comprends- et ma pratique d'enseignante de classe unique maternelle. Des pistes qui m'étaient parfois inconnues se sont ouvertes.

Bonne aventure pédagogique !

L'engagement de l'enfant

Nous avons la possibilité en maternelle de créer les conditions d'un engagement de l'élève Imaginons une salle de classe "maison des enfants" où apprentissages et jeux iraient de pair.
Des coins jeux pour rêver, jouer, expérimenter, échanger... Des coins jeux que l'enfant investit en toute liberté et sécurité. Dans ces lieux, une foule d'apprentissages sont mis en oeuvre. Même s'ils nous échappent, profitons-en ! Ne réservons pas les coins jeux, ces espaces de développement, à ceux qui ont terminé leur "travail", ceux qui en ont peut être le moins besoin.À côté des coins jeux, installons un par un, avec les enfants, des pôles d'apprentissages : les ateliers. Et pour qu'il y ait vraiment apprentissage : plutôt des ateliers échelonnés, des ateliers à plusieurs niveaux de difficultés que les enfants les investissent non pas en fonction de leur section, mais en fonction de leurs compétences. Le plaisir d'apprendre, de progresser peut s'épanouir. L'attractivité du matériel de maternelle, l'enthousiasme contagieux des enfants "plus scolaires" que l'on peut observer, l'envie d'imiter les plus grands font le reste : la plupart des enfants s'inscrivent dans les ateliers par eux-mêmes et y reviennent.
Quant à ceux que la chose scolaire indiffère
, ceux qui restent vissés au coin garage ou au coin poupée : ils sont ceux qui ont tout particulièrement besoin de nous. Emmenons-les aux ateliers et dans la proximité d'une relation privilégiée, essayons d'éveiller leur plaisir d'apprendre, essayons de comprendre, aussi, ce qui les éloigne du monde de l'école (ou inversement !)

 

Du côté de la métacognition :
Ateliers échelonnés et brevets

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Les ateliers échelonnés répondent à la grande diversité des élèves de maternelle, même au sein d'une seule section. En témoigne cette vidéo où des enfants de petites sections mettent en oeuvre des compétences bien différentes. Au sein de ce dispositif, c'est l'élève qui détermine par tatonnement le niveau sur lequel il va travailler, progresser. Trop difficile ? Il prend le niveau d'en dessous. Trop facile ? Il expérimente un niveau au dessus ou fait remarquer à la maîtresse "qu'il faudrait du quatre étoiles là !" Cela heurte nos représentations de l'enseignant expert, qui prescrit à chacun ce qu'il doit faire, ce qui est bon pour lui. Pourtant, à travers ce tatonnement pour trouver son meilleur niveau, l'enfant en apprend sur la tache, son orientation et ses propres compétences. Il ne perd pas son temps ! Décider de la faisabilité cognitive, c'est la première fonction de la métacognition, nous dit Joëlle Proust. Dans ce dispositif, l'enseignant est là pour observer les parcours, adapter les dispositifs, accompagner avec bienveillance et exigeance. L'erreur indique à l'enfant qu'il se rapproche du niveau qui lui permettra de progresser. Elle ne fait pas peur. Les élèves ne choisissent pas le niveau le plus facile pour aller jouer, les coins jeux sont toujours ouverts. Aucune activité scolaire ne leur parait menaçante, ou n'entraine de , nous essayons qu'il y ait toujours un échelon à la hauteur de chacun, puis un autre à dépasser.
La représentation à l'aide de brevets leur donne à voir, à penser ce qu'ils font.
Les petits sont bien souvent absorbés par l'aspect moteur de leur activité.Ils se rapprochent, avec les brevets, de leur métier d'élève. Ils se rendent mieux compte de ce qu'ils savent faire, de ce qu'il leur reste à apprendre, se remémorent les apprentissages passés autour des photos, en parlent...Le brevet se révèle un support précieux de métacognition.

L'attention

Au fil de ce colloque passionnant, des pistes se révèlent : l'importance de l'attention (le contrôle exécutif) est évoquée par de nombreux chercheurs qui précisent qu'elle peut être exercée dès la maternelle. L'entraînement au contrôle moteur améliore le contrôle exécutif.

On peut facilement le mettre en oeuvre en maternelle, avec les ateliers individuels de manipulation, inspirés par Montessori ou non (voir le site très Montessorien "La maternelle des enfants" de Céline Alvarez -éblouissant-, celui de Fofy à l'enthousiasme contagieux ou 123 ma classe à moi qui fourmille d'idées, ou encore des brevets partagés ici par Carole).
De plus, ces ateliers offrent aux enfants un temps de rupture avec le collectif qui pèse parfois sur les élèves de maternelle. Cette activité menée en individuel leur permet un retour sur soi propice à la concentration. Le travail en petit groupe apporte d'autres richesses mais ne permet pas d'atteindre ce niveau d'attention.

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Des activités parfois jugées "occupationnelles" en maternelle pourraient trouver là un sens : le coloriage comme le découpage demande un grand contrôle, exerce la maîtrise de l'espace et de la mesure. On aurait tord, je crois, de s'en priver comme de ne faire que ça.
Si chaque enfant ne peut pratiquer un instrument dans nos classes, la simple pratique du chant de façon régulière et progressive me semble avoir beaucoup d'intérêts tant au niveau du contrôle exécutif que de la prononciation, de l'imprégnation de lexique et formes syntaxiques, que de la segmentation des mots et manipulations de la chaîne orale. Mais on peut faire bien plus...

Une place pour le numérique

En maternelle de nombreuses activités amènent nos petits élèves à progressivement déployer des trésors d'attention...À côté du coin peinture, de l'atelier échelonné puzzles... le numérique nous offre un support différent.

Les chercheurs ont notamment évoqué son utilisation pour entraîner les capacités exécutives.
Joëlle Proust évoque un programme "Teach the brain" (pour ceux qui parviennent à l'installer...) La tablette, très attractive pour les petits, propose des applications où l'enfant doit faire preuve de plus en plus d'attention au cour du jeu.
Sur Findit, par exemple, l'enfant doit retrouver une quantité d'objets. Plus il est rapide, plus il gagne d'étoiles, deux niveaux de difficultés sont proposés.

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Stanilas Dehaene évoque la nécessaire consolidation des apprentissages. Le numérique peut, là aussi, tenir une place de choix, en "automatisant", dans un cadre ludique, des apprentissages construits ailleurs.

Par ailleurs, la consolidation des apprentissages s'effectue durant le sommeil. Le passage de l'intervention de S. Dehaene où il est question de l'impact du sommeil dans la réussite scolaire pourrait être présenté aux familles lors de la réunion de rentrée (De la minute 32.40 à 34.40)

Questions et détours...

La question de la double tâche

Stanilas Dehaene précise les limites de l'attention : "Nous ne pouvons pas réaliser deux tâches simultanément. Il faut prendre garde à ne pas créer de « double tâche », notamment pour les enfants « dys » ou en difficulté."
J'imagine qu'il s'agit plus d'une façon de nous alerter qu'une invitation à ne proposer que des taches simples.
La question du simple au complexe est d'ailleurs posée dans les débats, "Quel lien, quelle articulation recommander entre des modules d'entraînements et la construction de compétences plus globales, plus complexes ? " demande Philippe Courbois.
La frontière entre double tâche et tâche complexe me semble floue...
Michel Fayol recommande un va-et-vient entre des activités d'entraînement aux objectifs ciblés et des activités complexes. Il précise dans son exposé concernant l'orthographe qu'il est "nécessaire de concevoir des activités imposant de gérer les accords dans des situations de plus en plus coûteuses " en terme d'attention et de mémoire.

Les auto-tests

"Les « self-tests » constituent des moments déterminant de tout apprentissage. Ils permettent à l'enfant d'engendrer des sentiments de savoirs ou pas, mais aussi , ils permettent de renforcer l'apprentissage à condition d'être effectué passé 15 mn." nous dit Joëlle Proust, relayée par de nombreux chercheurs durant ce colloque.
Dans notre classe, les enfants peuvent s'inscrire plusieurs fois à un atelier, refaire une activité sur un niveau identique ou tenter un niveau supérieur. J'ai pu remarquer un renforcement des acquis, le temps permettant souvent à l'enfant de se dépasser. Mais parle-t-on de la même chose ? Quelle forme de "self-test" peut-on imaginer en maternelle ?

Les stéréotypes de genre

L'exposé de Pascal Huguet, directeur de recherche au CNRS, est édifiant.
Je n'imaginais pas une telle influence sur nos comportements.
Une piste pour faire progresser l'égalité des sexes : faire entrer dans les écoles des albums qui proposent d'autres modèles de filles ou de garçons.
Les éditions Talents Hauts font à ce sujet un travail remarquable.