À chaque période, nous nous réunissons en petits groupes pour « parler des livres ».
Les enfants retrouvent les albums de la période et la maquette d’un cahier numérique de littérature qu’ils vont renseigner, comme ici pour notre réseau d’albums autour des monstres.
Pour les 25 élèves de ma classe de petite, moyenne et grande sections, c’est toujours un rendez-vous apprécié !
Un exemple de réseau : autour de la peur
Une illustration est présentée aux enfants sur la tablette avec cette question : « Qui a peur de lui ? »
Il s’agit d’une photographie d’une illustration d’un livre. La réponse n’est jamais visible et demande aux jeunes lecteurs de se remémorer l’histoire. Nous passons ainsi d’un album à l’autre en suivant le même déroulement :
Échanges autour de l’image :
« De qui s’agit-il ? Nous l’avons vu dans quel album ? » C’est le temps de la mise en commun.
« Qui a peur de lui ? » La parole circule entre les enfants. Avec les plus grands la question « Comment le sais-tu ? » les oblige à justifier, rappeler le récit. En cas de désaccord, nous revenons au livre pour chercher l’information.
Enregistrer un premier jet sur la tablette :
« Les gens, ils ont peur de Grodino. » Un enfant enregistre la réponse du mieux qu’il peut pendant que les autres essaient d’être silencieux.
Comme nous partageons ensuite ce cahier numérique avec d’autres personnes (élèves, parents) nous cherchons à parler de manière compréhensible et correcte, comme à la télé quand quelqu’un présente un livre.
Écouter et améliorer son langage en tenant compte des remarques : le second jet
Avec la tablette, l’enfant peut écouter dans la foulée sa propre production et essayer de mettre en oeuvre immédiatement les formulations proposées par l’enseignant.
Un atelier différencié
L’engagement des élèves dans cet atelier est important : ils aiment s’enregistrer, s’écouter, se retrouver à l’écart, avec l’enseignant, en compagnie des livres.
Cet engagement et la structure en petit groupe permet de ciseler des interactions sur mesure que l’enfant va tenter de s’approprier pour le second jet.
Dans les situations traditionnelles, le feed-back est simplement apposé aux phrases des petits. Bien souvent, il n’y a pas nécessité que l’enfant reformule.
Cette situation dépasse la simple exposition au langage correct : ils « manipulent » leur production qu’ils peuvent écouter, modifier pour s’approcher des améliorations proposées par l’enseignant.
Et si certains ne parviennent pas à s’en emparer dans l’instant, il n’est pas impossible qu’ils gardent en mémoire la forme langagière proposée, même s’ils ne sont pas encore en capacité de la produire.
En fonction des élèves, de leur niveau de langage, je propose des améliorations pour le second jet qui me semblent accessibles (voir plus bas). En petite section, je laisse par exemple les élèves détacher le sujet : « Les gens, ils ont peur de Grodino. » Mais en grande section, nous essayons de retirer le pronom personnel « Les gens ont peur de Grodino. »
En fonction de leur expérience personnelle, de leur propre «raisonnance» au langage, les enfants comprennent les albums à leur façon, parfois très singulière ! Cette nouvelle exploration des albums en petit groupe, à l’écart, permet d’affiner la compréhension au plus près des représentations de chacun.
L’implicite de l’écrit donne des constructions de sens très différentes en fonction des enfants. À trois, quatre, cinq ans, les enfants ont une expérience du monde, une culture tellement parcellaires et différentes les uns des autres ! Pour essayer de développer un bon niveau de compréhension, les grilles d’exploration des albums sont différentes à chaque réseau.
Le temps de l’atelier varie avec le degré de concentration des enfants : quand je sens qu’ils ne peuvent pas se concentrer plus longtemps, nous arrêtons là le cahier de littérature. Chaque groupe ne couvrira pas forcément l’ensemble du réseau d’albums.
Pour quels apprentissages ?
Numérique : quel est l’apport de la tablette ?
Les cahiers de littérature existent au format papier dans les classes.
La question de la plus-value apportée par la tablette se pose d’autant plus que son prix reste élevé : ne vaut-il pas mieux investir 500 euros dans autre chose en maternelle ?
L’intégration des médias, la portabilité et l’absence de problème technique nous ouvrent de nouvelles voies pour l’enseignement du langage.
Les enfants peuvent s’enregistrer, s’écouter dans la foulée et tenir compte, autant que possible, des remarques de l’enseignant.
Pas de temps d’attente : c’est important en maternelle de ne pas user l’engouement pour l’activité par des poses techniques.
Ils peuvent « observer » leur production et agir dessus dans l’instant.
Ils acquièrent une posture réflexive et active face à leur propre langage, une vigilance vis-à-vis du français qu’ils devront mettre en oeuvre tout au long de leur scolarité.
Ce travail d’analyse et d’amélioration du langage ne peut se faire que dans un environnement calme.
La portabilité de la tablette nous ouvre les portes du couloir ou du dortoir attenant, une migration qui amuse toujours les enfants : nous formons comme une « cabane » humaine autour des albums.
Cette mise en scène autour des livres et de la tablette, l’attractivité des écrans, l’égocentrisme naturel des petits qui adorent s’entendre : tout cela génère un bel enthousiasme qui rejaillit sur la lecture d’albums.
Un rapport au livre positif se construit, même pour des enfants qui en sont éloignés culturellement.
Cette relation s’inscrit dans le quotidien : les enfants peuvent, durant l’accueil, parcourir et surtout écouter en autonomie les livres numériques créés. Ces ebooks constituent une mémoire des parcours de lecture et des recherches associées, accessible en autonomie, quand la dictée à l’enseignant retranscrite sur papier nécessite toujours la présence d’un adulte.
Enfin, adieu montages de photocopies grisâtres ! L’enseignant peut créer, dupliquer pour chaque groupe rapidement une belle maquette de livre numérique.
Le cahier numérique de littérature au format epub pour Ipad (avec les différents essais des enfants.)
Carte heuristique cahier numérique de littérature : quels apprentissages ?
Merci au Café Pédagogique qui a publié une version condensée de cet article.
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