Organisation de la classe : pratiques choisies
La place des coins jeux

A l'école maternelle, les coins jeux sont généralement ouverts à l'accueil et à la fin des ateliers pour les élèves qui ont terminé leur travail.
Ces notes ne prétendent porter aucun jugement, mais vise à donner des repères aux collègues qui découvrent la palette pédagogique de l'école maternelle.
À chacun de déterminer les pratiques les plus adaptées à sa conception du métier et à ses conditions d'exercice, bien différentes d'une classe à l'autre.
Dès les premières lignes, les instructions officielles de 2008 affirme la place du jeu en maternelle :
"En répondant aux divers besoins des jeunes enfants qu’elle accueille, l’école maternelle soutient leur développement. Elle élargit leur univers relationnel et leur permet de vivre des situations de jeux, de recherches, de productions libres ou guidées, d’exercices, riches et variés, qui contribuent à enrichir la formation de leur personnalité et leur éveil culturel.
Elle laisse à chaque enfant le temps de s’accoutumer, d’observer, d’imiter, d’exécuter, de chercher, d’essayer, en évitant que son intérêt ne s’étiole ou qu’il ne se fatigue. Elle stimule son désir d’apprendre et multiplie les occasions de diversifier ses expériences et d’enrichir sa compréhension. Elle s’appuie sur le besoin d’agir, sur le plaisir du jeu, sur la curiosité et la propension naturelle à prendre modèle sur l’adulte et sur les autres, sur la satisfaction d’avoir dépassé des difficultés et de réussir."
Le larousse donne cette definition du jeu : Activité d'ordre physique ou mental, non imposée, ne visant à aucune fin utilitaire, et à laquelle on s'adonne pour se divertir, en tirer un plaisir.
Deux parametres à combiner :
-
le jeu a toute sa place à l'école maternelle, chaque enfant doit pouvoir y acceder.
-
le jeu obligatoire n'en est pas un.
Pour que tous les élèves trouvent des occasions de s'engager par eux-même dans les coins jeux, j'ai choisi de laisser ces espaces ouverts en même temps que les ateliers.
Bien sur, je fixe certaines règles d'utilisation stricte : on ne fait pas trop de bruits aux coins jeux, on respecte le matériel et les copains, sinon on en sort. Avec cette règle in-con-tour-nable, les enfants font très rapidement des efforts pour pouvoir y rester.
Ouverture progressive des ateliers

L'enseignant regroupe l'ensemble de la classe pour présenter les activités.
Tous les élèves partent
travailler au même moment, après la passation de consigne collective.
Les ateliers sont ouverts un par un avec les PS/MS, table après table, sans regroupement préalable. Les enfants volontaires s'inscrivent tandis que d'autres continuent de jouer. Ils rejoignent les ateliers dans un second temps.
Cela permet de :
- developper un rapport positif aux apprentissages scolaires, les enfants ne sont pas obligés d'abandonner leur jeu pour travailler. Les enfants les plus jeunes apprécient cette transition douce.
- diversifier les modes d'entrées dans l'activité
Certains ont déjà un profil scolaire. Ils sont curieux d'école. Ils prennent de multiples indices : ils écoutent attentivement les consignes de l'enseignant même quand ils sont sur un autre atelier, ils se repèrent rapidement sur le plan de travail et savent ce qu'ils vont faire. Ils s'inscrivent les premiers aux ateliers.
D'autres continuent de jouer, de se déplacer dans la classe et observent ce qui s'y passe... Ils ont besoin de voir l'activité se dérouler "en vrai" pour lui donner du sens et s'engager. Cette entrée est particulierement interessante en maternelle : elle permet à des enfants d'accéder aux apprentissages même s'ils n'ont pas encore les mots, la culture scolaire.
Certains se mobilisent au contact des autres, de leur enthousiasme, ou parce que la copine y va.
Enfin, des enfants attireront toute mon attention : ceux qui d'emblée ne s'inscrivent pas aux ateliers. Il leur faudra bien souvent la proximité d'un adulte pour se rapprocher des apprentissages scolaires.
- réserver un temps d'échange, en petit groupe, autour du matériel de l'atelier pour travailler le langage scolaire et les attentes de l'école sans se soucier de la pression du groupe classe.
Indirectement, cela permet de mettre en oeuvre des ateliers plus complexes, notamment des ateliers échelonnés ou des situations problèmes qui demandent plus de temps et d'échanges pour leur mise en oeuvre.
L'inscription aux ateliers

Les élèves sont répartis en groupes, souvent appelés des groupes de couleurs.
L'enseignant fixe à chaque groupe un travail différent.
(Les rouges vont faire de la peinture, les bleus vont compléter la comptine...)
L'ensemble de la classe travaille au signal de l'enseignant qui gère les 25, 30 élèves en activités.
A bien y regarder, lorsque je mettais les enfants en ateliers tous en même temps, voici ce que j'observais :
- un groupe d'enfants qui réalisait l'activité en une petiite demi-heure puis partait généralement jouer une autre demi-heure.
- un petit groupe qui la réalisait en 5 mn et profitait généreusement des coins jeux...
- un dernier groupe qui passait une demi-heure à gober les mouches en reluquant les Duploos, puis enfin une autre demi heure en activité quand un adulte se libérait pour expliquer, "motiver", réveiller, séparer, gronder...
- une maitresse qui courait d'enfant en enfant, égrainant des "Attennnnds" sur son trajet.
Au final les gobeurs de mouches avaient :
- douloureusement réalisé leur travail ( leur relation aux apprentissages était déjà difficile, ça ne l'arrangeait pas...)
- été privés des coins jeux et de leurs apprentissages ( Ils sont pourtant ceux qui ont le plus besoin des coins jeux , la marche de la réussite scolaire semble s'éloigner au fur et à mesure qu'ils avancent dans l'école...)
- gagné une demi-heure d'attente et d'obéissance sénile, un Duploo en travers de la gorge, un pied ou deux dans l'échec scolaire...
Les coins jeux sont bien plus qu'une variable d'ajustement : un espace d'apprentissage social, langagier, mathématique, moteur...reconnu par les Instructions Officielles.
En les utilisant en même temps que les ateliers, on "optimise" le temps scolaire de l'enfant, qui n'en perd plus.
Les enfants s'inscrivent aux ateliers dès leur ouverture, ou après avoir joué. Tout le monde devra faire au moins un atelier sur le créneau horaire.
Ils peuvent s'inscrire plusieurs fois à un même atelier.
(1) Ils placent leur étiquette sur la boite d'inscription puis (2) cochent leur passage sur la liste. Ils glissent leur étiquette dans la fente quand ils ont terminé, libérant une place. Attention, les étiquettes ne sont rendues aux enfants pour un second tour d'atelier que lorsque tout le monde en a fait au moins un. Cela permet d'offrir un accompagnement de qualité à TOUS les enfants, pas seulement aux goulus de l'école ou des adultes.
Pourquoi mettre en oeuvre une inscription volontaire, puisqu'au final, tous les élèves devront y passer ?
Démagogie ? Non.
Il ne s'agit pas d'être "gentil" avec les enfants en les laissant faire ce qu'ils veulent ! Il s'agit d'être le plus efficace possible
en permettant à certains de se mobiliser par eux-même. Et la motivation intrinsèque est la plus efficace des dynamiques si l'on en croit la recherche.
Cette inscription progressive permet de "profiler" des groupes d'élèves et d'être plus disponible pour ceux qui ont le plus besoin d'accompagnement : ceux qui ne s'interresse pas à la chose scolaire, ceux qui sont restés aux coins jeux. Après m'être occupé du premier flot d'élèves, mon attention portera tout particulièrement sur ceux qui n'ont encore "rien fait" aux ateliers, tandis que les autres pourront à leur tour investir les coins jeux.
Ils devront s'inscrire obligatoirement à un atelier. Entre temps, au cour de leur déplacement dans la classe, certains ont pu observer l'activité des autres et parfois s'engager à leur tour.
Certains enfants s'inscrivent à un atelier auquel ils ont déjà participé. Ils ont déjà exploré une première fois l'activité, mais chez les petits, le plaisir sensori-moteur l'emporte souvent sur l'activité à mener. Passé cette première étape de "patouille"et après le temps du bilan, ils sont plus à même de s'ouvrir à la consigne scolaire et beaucoup améliorent leur travail. Certains reviennent pour explorer un niveau différent des ateliers échelonnés, d'autres pour le plaisir de bien faire et engranger une bonne estime d'eux-même en tant qu'élève. L'inscription multiple s'inscrit dans une dynamique de progrès, ou l'enfant peut évoluer au fil de ses expérimentations, des bilans, des erreurs.
L'atelier échelonné, au coeur du
dispositif

L'enseignant fixe un niveau de compétence à travailler dans chaque atelier.
La différentiation est généralement envisagée en aval de la compétence demandée, pour soutenir les élèves en difficultés : du simple coup de mains dans la foulée des ateliers à l'aide personnalisée, ritualisée qui en dehors du temps d'atelier.
L'atelier échelonné propose plusieurs niveaux de difficultés aux élèves en même temps. Les élèves peuvent explorer plusieurs niveaux au sein de l'atelier ou lors d'un autre passage.
Ce dispositif répond à l'extrème diversité de la petite enfance : comment permettre à chacun de progresser, apprendre, quelque soit son niveau.
Pour illustration, cette vidéo d'enfants de petite section, prise au mois d'octobre :
Un élève parvient par moment à trier par couleur mais se laisse emporter par le plaisir de faire.
Lors de son second passage, il y parviendra sans hésitation.
Un élève parvient parfaitement à trier par couleur et passera directement au niveau 2 : trier en fonction de deux critères, la forme et la couleur.
Une élève est capable de réaliser des collections comprenant autant de formes que sur la bande consigne. Elle s'interressera avec plus de tatonnement aux consignes constellations lors d'un second passage. Elle a pu travailler dans sa zone proximale de developpement.
Les réussites sont notées sur des tableaux ou des brevets. Je veille à ce que tous les niveaux de la classe y soient représentés. Remplir la tige, par exemple, constitue déjà un premier pas.
Les niveaux peuvent être modifiés pour s'adapter aux difficultés imprévisibles que rencontrent les enfants et aux compétences surprenantes qu'ils démontrent parfois.
Les élèves sont en confiance face aux ateliers où ils savent qu'ils ne seront pas jugés , que la difficulté sera en rapport avec leur efficacité.
Ce dispositif, que j'ai imaginé au contact de ma classe unique maternelle, est au coeur de ma pratique. Il s'applique à l'ensemble des domaines d'apprentissages. Chacun suivra son propre parcours vers les compétences de fin de cycle sans que l'enseignant n'ait à se cloner en 25...
Articulé avec l'ensemble des pratiques, il intègre différents points clés de la pédagogie : l'enfant est acteur de ses apprentissages, il travaille dans sa zone proximale de developpement et construit ses propres parcours d'apprentissages. Il perçoit son efficacité et son engagement comme son estime de soi s'en trouve renforcé.
Le mélange des sections : une
mise en pratique des cycles

Dans les classes à niveaux multiples, les élèves sont généralement rassemblés par section au sein de groupes différents.
Chaque section travaille sur des compétences différentes.
Les sections sont mélangées, c'est l'atelier échelonné qui se différentie pour accueillir tout le monde en même temps. Les enfants y travaillent non pas en fonction d'un niveau type pour leur section, mais en fonction de leur compétence.
C'est une illustration pratique des cycles d'apprentissages où les élèves doivent pouvoir cheminer à leur rythme tout au long du Cycle.
L'atelier échelonné, appliqué à plusieurs sections, propose une palette de difficultés plus élargie qu'au sein d'un cour simple.
Et quelle richesse !
Les petits, ou moins experts, sont stimulés et apprennent au contact des plus habiles, en analysant l'action des autres, en communiquant avec eux. Ils sont fiers de faire comme les grands. Ils perçoivent l'orientation des apprentissages et ont bien souvent envie de se frotter aux travaux plus difficiles.
Les plus forts progressent en verbalisant leur savoir, parfois encore "intuitifs".
Ce dispositif favorise le developpement du langage grace aux échanges entre les bons parleurs des sections supérieurs et les plus jeunes dont le langage oral est en construction.
Parmi tous les petits bonus que les cours multiples génèrent, la socialisation est grandement facilitée. Les règles de vie de la classe s'apprennent rapidement, par imitation. Les moyens et grands y participent et rassurent les petits par leur aisance et leur plaisir d'écolier.
Si le mélange des sections demande une préparation plus délicate, elle facilite le travail de l'enseignant au quotidien : il peut s'appuyer sur une partie de sa classe déjà élève et autonome, il bénéficie d'un temps d'enseignement à effectifs réduits l'après-midi.
Une modération tout de même : les élèves de grande section travaillent sur certaines compétences trop expertes, trop abstraites, pour être déclinées à destination des plus jeunes.
Leur rythme de travail, leur temps de concentration augmente de façon significative en grande section.
Certaines séquences ne sont menées qu'avec les élèves de grande section, tout en maintenant des temps d'ateliers toutes sections confondues.
(Voir l'Emploi du temps).