"Le
moment de regroupement était un enfer pour moi, donc sans doute
vécu violemment par les enfants"
"Il faut être superwoman pour lancer 3 ou 4 activités
en même temps"
" C'étaient toujours les plus forts et les plus rapides
qui allaient jouer après avoir fini leur travail. "
"Pour être acteur de ses apprentissages, un enfant doit
savoir de quoi il est capable, et pour cela, il est intéressant
de le laisser choisir son niveau d'activités."
"Voir
un enfant observer, analyser leurs gestes, leurs procédures, puis
entrer à son tour dans l'atelier."
"J'ai
retrouvé, au final, un vrai bonheur de classe. "
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Pourquoi
j'en suis venue à vouloir mettre en place une " autre " pratique
de classe ?
Parce qu'il me semblait que le seul moment de bonheur et de réels
apprentissages se passait au moment de l'accueil.
Parce que le moment de regroupement était un enfer pour moi, donc
sans doute vécu violemment par les enfants.
Parce que ce moment de regroupement, de rituels et d'entretien,
si ancré dans la pratique des classes maternelles, me semblait d'une
totale inutilité pour les enfants qui n'étaient absolument pas disponibles,
et me demandait une énergie phénoménale pour tenter de capter leur
attention.
Parce que je cherchais une pratique qui soit proche de l'esprit
Freinet, pédagogie que j'avais appliquée en élémentaire (le désir
de l'enfant comme levier pour entrer dans les apprentissages, ce
qui rend toute approche plus " naturelle "…).
Parce que je ne comprenais pas qu'on appelle " ateliers " ce qui
ne sont en réalité que des activités tournant sur la semaine.
Parce qu'il faut être superwoman pour lancer 3 ou 4 activités en
même temps, surtout avec une ATSEM sur la classe uniquement la moitié
du temps.
Parce que je suis légèrement " allergique " aux groupes de couleur
ou autres, qui enferment un peu les enfants ou les empêche de travailler
avec qui bon leur semble.
Parce que je cherchais à mêler mes Moyens et mes Grands dans les
activités de façon " naturelle ", encore une fois, sachant que bien
souvent un bon Moyen est meilleur dans tel domaine que ne l'est
un Grand. Mais pas forcément dans un autre domaine…
Parce que, pour être acteur de ses apprentissages, un enfant doit
savoir de quoi il est capable, et pour cela, il est intéressant
de le laisser choisir son niveau d'activités. Il est aussi intéressant
de lui donner la possibilité d'évoluer en proposant toujours un
niveau de difficulté supérieure.
Parce que c'étaient toujours les plus forts et les plus rapides
qui allaient jouer après avoir fini leur travail.
Parce que du coup les moins rapides étaient aussi les moins performants,
vu qu'ils lorgnaient sur leurs copains qui jouaient.
Parce qu'en pratique " ordinaire ", je m'ennuyais… Les enfants aussi
? Parce qu'en super-ZEP, on est obligé d'optimiser sa pratique,
ne serait-ce que pour sa survie personnelle !
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Comment
ai-je
changé ma pratique
?
En lisant beaucoup de témoignages sur diverses listes de discussion.
En discutant énormément avec les collègues.
En allant visiter une classe maternelle fonctionnant en pédagogie
Freinet (beaucoup de choses m'ont plu, mais je n'ai pas été réellement
convaincue d'une transposition possible dans ma classe de ZEP…)
En tombant un jour sur un site Internet devant lequel je me suis
écriée : bon sang, mais c'est bien
sûr ! C'était maternailes.net.
En en parlant à des collègues enthousiasmés à leur tour, et en
décidant d'être trois à se lancer ensemble dans l'aventure.
En passant, il faut bien le dire, un temps considérable à réfléchir,
à hésiter, à se persuader qu'une telle révolution vaut la peine.
Au bout du compte, en finissant par avoir " la foi " !
En étant un peu bousculée et obligée de mettre tout ça en place
très vite à cause d'une inspection imminente.
En demandant de l'aide à Christine, la créatrice du site.
En lisant encore…
Les
petits
bonheurs :
J'ai été impressionnée par la vitesse avec laquelle les enfants
se sont adaptés.
Ils ont très vite compris comment s'inscrire aux ateliers.
Ils apprennent à se connaître en choisissant eux-mêmes leur niveau
dans les activités échelonnées.
On arrive aussi à être au plus près de leur
- attention, je vais dire un gros mot - zone proximale de développement.
Ils font ce qu'ils arrivent à faire, et tentent ensuite de progresser.
Il est vrai aussi, que c'est assez émouvant de voir un enfant
observer ses copains qui sont déjà en atelier, de rester un long
moment à analyser leurs gestes, leurs procédures, puis d'entrer
à son tour dans l'atelier sans qu'on n'ait rien à lui expliquer
!
La matinée se passe enfin sans cri, sans énervement de ma part.
Tout semble plus doux, plus naturel, plus convivial.
Je peux très facilement ouvrir un atelier dans la bibliothèque
attenant à ma classe, simplement en y posant un arbre.
J'ai retrouvé, au final, un vrai bonheur de classe.
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Mes
regrets, mes lacunes,
mes ajustements :
Je
regrette encore bien souvent l'entretien du matin, qui permettait
de faire la transition entre la maison et l'école, tout en travaillant
le langage. On fait l'entretien plus tard dans la matinée, après
la récréation, mais il n'a sans doute pas la même valeur affective
pour les enfants.
Il arrive encore que des enfants (toujours les mêmes) ne s'inscrivent
pas spontanément à un atelier dans le créneau horaire. Ils pourraient
jouer toute la matinée si je les laissais faire. Je suis donc
obligée de les appeler, et de les " arracher " à leur jeu.
Je me laisse encore souvent dépasser, surtout lorsque je suis
seule en classe (je n'ai une ATSEM que la moitié du temps) : il
me faut alors trouver deux ateliers autonomes, ce qui est très
difficile en début d'année, à moins de les mettre tous à la pâte
à modeler…
Il m'arrive aussi parfois d'ouvrir un atelier qui n'a absolument
aucun succès : personne ne s'y inscrit et je suis obligée de "
forcer " certains enfants à y aller…
Ou bien d'autres fois, un atelier demande plus d'explication que
la seule observation que ceux qui y sont déjà (l'effet vicariant
ne fonctionne sans doute que dans cette fameuse ZPD, mon atelier
était donc sans doute mal choisi…). Je fais donc la navette d'un
atelier à un autre pour expliciter la consigne.
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Instantanés de classe
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J'ai encore bien d'autres " difficultés ", mais je ne les vis
plus comme des difficultés, depuis que j'ai lu Bernard Devanne
( " Apprentissage de la langue et conduites culturelles "Bordas
Pédagogie ).
Il faut, pour garder le cap de cette façon de faire, une profonde
confiance dans les capacités de l'enfant à construire son propre
parcours d'apprentissage. C'est vrai que c'est déroutant de voir
un enfant délaisser voire bâcler son travail, ou bien ne faire
qu'un atelier, et encore en lui rappelant plusieurs fois le contrat
pendant le créneau horaire, mais il faut être persuadée que tant
pis, il y trouve sans doute son compte, et évoluera par la suite.
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En fait, c'est un peu pour ça, que surtout pour mes grandes sections,
et comme le dit Devanne, j'ai choisi de bientôt mettre en place
des ateliers permanents qui remplaceraient les coins jeux, pour
éviter que certains persistent à s'enliser dans le jeu de construction
ou la dînette. Des ateliers peinture ou calligraphie, découpage,
argile, jeux mathématiques, lecture libre, lire-écrire... m'assureraient
que même si un enfant ne s'inscrit pas à mon atelier dirigé, il
est quand même en "production", ailleurs. Et cela m'étonnerait
qu'un enfant engagé dans son propre projet de peinture le quitte
au bout de cinq minutes.
D'autre part c'est vrai qu'avec ce fonctionnement la classe est
très "vivante" ! Il faut faire un peu le deuil du "maître tout
puissant"qui lui seul décide et donne le travail à faire au moment
où lui l'a choisi. C'est rassurant, certes, les enfants sont calmes
un temps, certes, mais quel ennui ! Quel échec pour une bonne
partie de la classe qui ne sait pas ce qu'on attend d'eux à part
rester assis bien sagement ! C'est vrai qu'une classe vivante,
c'est plus fatiguant pour la maîtresse, surtout en ZEP. Mais personnellement,
c'en est arrivé à une "vie" très positive et sereine. Ça bouge,
ça se déplace sans cesse, mais ça ne crie pas, ça ne se bouscule
pas, ça ne se bagarre pas, ça ne s'impatiente pas, et surtout
la maîtresse n'a pas à dire sans cesse "tais-toi", "ne gigote
pas", "fais ton travail". Moi, c'est ça qui me fatiguait le plus
!
Florence
Hinckel
Janvier 2006
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Le site de Florence Hinckel, auteur pour la jeunesse.
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